Pierre et Ilse Garnier : Japon 1 : les échanges / Japon 2 : à Saisseval
















4. « Troisième manifeste du spatialisme : pour une poésie supranationale », Seiichi Niikuni – Pierre Garnier, 1966, reproduit dans Japon 1 : les échanges, L’herbe qui tremble, 2016, p. 163-164.

5. Poèmes franco-japonais, Seiichi Niikuni – Pierre Garnier, 1967, reproduit dans Japon 1 : les échanges, op. cit., p. 168, et visible, sur fond blanc (l’original est imprimé sur du papier bleu), ici. Ces poèmes constituent en quelque sorte l’illustration des positions théoriques exprimées dans le troisième manifeste.

par Lorenzo Menoud

わたし ne ferai pas ここ l’histoire de la poésie concrète ni du spatialisme que l’on trouve いま partout1, mais vais plutôt 鏡 préciser des éléments spécifiques au texte dont je rends compte, 鏡鏡 reprendre quelques concepts qui me paraissent aujourd’hui encore pertinents et 鏡鏡鏡 évoquer brièvement un des nombreux し qu’il comporte2.
鏡 Ces deux tomes volumineux et remarquablement documentés font état des relations à distance, 9617 kilomètres les séparant, entre Pierre Garnier (1928-2014) et Ilse Garnier (née en 1927), d’une part, et Niikuni Seiichi (1925-1977) et Nakumura Keiichi (né en 1960), de l’autre, et présentent des textes rares, voire inédits, poèmes comme manifestes3.
鏡鏡 « Les nations ne sont plus que du folklore ; le poète doit “expatrier” les langues. […] Le passage des langues nationales à une langue supranationale se fait en plusieurs temps : le poète crée dans chaque langue […] des cristaux linguistiques […]. Par cette création d’objets linguistiques, par le travail objectif des langues considérées comme matière, le poète dépouille ces langues d’un contenu sentimental ou historique, expressionniste ou psychique. Seules subsistent les structures, c’est-à-dire une esthétique. […] Dans ces conditions de création objective, […] toutes les langues […] sont à disposition des poètes : un auteur dont la langue maternelle est l’anglais peut créer […] des poèmes concrets en russe, en arabe, en japonais »4.
鏡鏡鏡 Si l’on considère le poème « pierre/鳩 »5, on s’aperçoit que le mot « pierre », prénom d’un des deux poètes qui l’a produit, forme douze éléments et huit volutes, alors que le kanji « 鳩 » (hato/pigeon), déjà dense en lui-même, construit quatre blocs noirs sur la page. On a ainsi une structure équilibrée (4, 8, 12), où s’échangent littéralement les représentations – les mots qui dénotent le pigeon en japonais constituant une masse et la pierre exprimée en français se faisant aérienne, sans que l’on ne puisse déterminer, de surcroît, si l’image est une élévation ou un plan.




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
Japon 1 : les échanges
Textes choisis, établis et présentés par Marianne Simon-Oikawa
L’herbe qui tremble
372 p., 22,00 €
Japon 2 : à Saisseval
Textes choisis, établis et présentés par Marianne Simon-Oikawa
L’herbe qui tremble
614 p., 23,00 €
couverture

1. Voir là ; et .

2. わたし = je ; ここ = ici ; いま = maintenant ; 鏡 = miroir ; し = poème.

3. Il faut noter la « très nette inégalité » de leur relation dans la mesure où si Niikuni « fut profondément marqué par la pensée de [Pierre] Garnier et lui emprunta jusqu’au mot “spatialisme”, Garnier ne reprit rien à son ami japonais. Il avait déjà élaboré son univers conceptuel au moment de leur premier contact » (Japon 1 : les échanges, L’herbe qui tremble, 2016, p. 141). En outre, c’est Pierre Garnier qui initia ces échanges poétiques : « Lui élaborait d’abord une œuvre à partir de lettres ou de mots français, et me l’envoyait. Prenant cette œuvre directement comme matériau de base, j’y imbriquai ensuite des caractères et des mots japonais », écrit Niikuni (ibid., p. 147).