par Michel Ménaché
Funambule en équilibre précaire sur un fil tendu entre Groucho Marx et Cioran, Jean-Pierre Gandebeuf , bouffon tragique, cache ses émotions dans des fulgurances d’humour métaphysique, des aphorismes nonsensiques. Ses courts poèmes, dans leur dépouillement elliptique, énoncent des affirmations déroutantes, révèlent des vérités cachées, déroulent d’insolites pirouettes verbales pour le plaisir de délier la langue, la joie insolente de faire grincer des paroles mutantes…
Dans Le dernier oiseau du solstice, l’auteur lève un coin du voile sur sa poétique libertaire : « Plus les mots / me disent de réfléchir // plus je sors des sarcasmes / je n’aime pas quand les mots / me font la morale // en réduisant mes dividendes d’adverbes / ou en snobant la métaphore // chacun son métier. » Mais il ne faut surtout pas imaginer que le poète fuit les turbulences du monde réel. Il ne manque pas une occasion d’égratigner les fantoches, de démasquer les mauvais génies, de débusquer les fauteurs du chaos géopolitique : « J’ai rendez-vous avec le poète Ritsos à qui je dédie cette supplique sur l’actualité de la dèche dans sa patrie amère. Combien d’euros faut-il sortir de sa poche pour illuminer un poème, oublier Aube dorée et faire diversion ? La Grèce “avec un couteau sur l’os” tient encore bien les ridelles. Elle ne tombera pas du camion. »
Sans provocation bravache ni concessions au goût du jour, le poète revendique sa liberté de ton et ses sautes d’humour : « S’il y a des mots / qui vous dérangent // tirez dans le tas // les poètes ne sont pas échevins / de l’ordre des Templiers // ils sont faits pour l’ivresse. » Sans oublier le partage fraternel…