par Gérard-Georges Lemaire
Lecteur impénitent de Jean-François Bory, je découvre avec émerveillement ce nouvel ouvrage, qui tire la poésie vers les arts plastiques. Les planches qui y sont contenues sont une lointaine réminiscence des collages cubistes, dadaïstes ou futuristes. Mais ce que le poète a voulu faire, ce n’est pas retourner à ces sources : il a simplement développé cet art de la combinaison des formes et des mots jusqu’à un point où il peut se conjuguer avec son propre univers. Car ce dernier est déjà lié depuis fort longtemps à l’idée de la poésie sonore et aussi de la poésie visuelle. Mais pas de constructions abstraites à partir de mots tapés à la machine ou saisis à l’ordinateur. Il préfère puiser dans les casses de la galaxie Gutenberg, et y voler des caractères de toutes les formes et de tous les styles imaginables. Il emprunte à toutes sortes de polices, du Times, du Bodoni, du Garamond, du Georgia, que sais-je ? Chaque lettre possède son identité, en majuscule ou en italique, en gras ou en maigre, pour composer ces festons irrationnels de phrases plus ou moins inachevées. Et ces séquences flottantes et ludiques s’accordent avec les plages de couleurs très vives qu’il a choisies pour ce recueil. En sorte que nous sommes simultanément dans la sphère du langage et dans celle de l’expression picturale, qui tient plutôt à s’en passer (en principe). C’est une des postures adoptées par Jean-François Bory, qui sait chaque fois se rappeler à nous tout en nous surprenant !