par Nicolas Tardy
Cet ouvrage éclaire le travail de l’artiste Guy de Cointet par de nombreuses précisions biographiques. Choix qui s’avère extrêmement pertinent pour en saisir les fondements. Ses travaux peuvent être classés en trois catégories qui s’interpénètrent : dessins, livres d’artistes, performances. Ses dessins renvoient, via des lettres romaines modifiées ou non, des chiffres, des écrits tracés en miroir, divers signes géométriques, à l’idée d’écriture codée. Je précise idée car il n’y a pas nécessairement de mots, de phrases qui seraient cachés derrière ces dessins. Cette notion de code, d’organisation autre du langage, est omniprésente chez lui. Français né en 1934 dans une famille de militaires, il a grandit nourri de récits de messages codés, tout en étant un lecteur de poésie (Laforgue, Baudelaire). Si certains de ses dessins évoquent l’écriture arabe, ce n’est sûrement pas étranger au fait d’avoir vécu une partie de l’adolescence à Oran. Ses livres d’artistes ajoutent une temporalité – inhérente à ce médium – à cette expérience de lecture-déchiffrage. Ils sont empreints d’une même élégance sobre que les dessins. Il a été, avant son installation à Los Angeles en 1967, graphiste pour Le Jardin des modes. Ses performances – tout à fait singulières par rapport aux travaux californiens de l’époque, si l’on pense aux travaux trash de Paul Mc Carthy – sont exécutées par des acteurs (professionnels ou non). Ce passage par l’intermédiaire d’autres corps, procède de la même logique de brouillage que l’utilisation de nombreux hétéronymes comme auteurs de ses livres d’artistes ou comme auteurs de ses performances. Celles-ci, dans des univers un premier temps très dépouillés, puis peu à peu s’enrichissant d’accessoires fabriqués par l’artiste (livres, mobilier, objets de nature plus indéterminée), intègrent des fragments de dialogues (évoquant les mondanités, les sitcoms), ou prennent la forme de conférences performées. Les tenues des actrices – ses interprètes sont essentiellement des femmes – sont choisies avec extrêmement de soin. Ce sont des éléments visuels (coupes, couleurs) au même titre que les autres objets scéniques. Camarade de classe d’Yves St-Laurent, il avait songé à embrasser la même voie que lui. Sa mort en 1983 a interrompu un élan transformateur dans ses performances, qui semblait d’une part développer un intérêt pour le travail de mime (autre forme de codage) et d’autre part aller vers une sortie des lieux dédiés à l’art, pour se confronter à l’espace de la rue.
Textes de Larry Bell, Marie de Brugerolle, Gérard Wajcman
JRP Ringier
160 p., 32,00 €