par Catherine Weinzaepflen
Rares sont les écrivains mâles qui traitent d’une relation de haine à l’égard de leur mère. Vipère au poing pourrait évidemment faire contre-exemple mais bon ça date… En revanche la relation amour / haine des filles à leur mère suscite de nombreux livres. Les années 70 féministes ont été à l’origine de ce champ narratif, la psychanalyse aussi, or Le silence dans la peau s’inscrit dans ce courant d’écriture. Il s’agit de rage ici, à l’encontre de la mère, une mère non aimante et dénuée d’intelligence, semble-t-il. Le vocabulaire de cette femme de milieu modeste ne compte pas plus de deux cents mots et se nourrit de phrases toutes faites (dixit la narratrice qui, elle, s’est sauvée par les livres). Elle n’a aucun contact physique avec ses enfants et les stigmatise ainsi à jamais. Dans ce réquisitoire à l’égard de la mauvaise mère est cependant développé le destin de la grand-mère, elle aussi mauvaise mère (elle a abandonné ses enfants) mais qui a tenté la liberté. La haine qui anime la narratrice, et donc le texte, joue les mots contre le silence de la mère. Tout au long du livre de Claire Tencin un élément qu’elle nomme Le récit fonctionne comme un personnage – élément récurrent qui questionne la forme de cette histoire familiale. Le texte témoigne en effet d’une recherche d’écriture qui aurait néanmoins pu bénéficier de plus de rigueur dans la construction. Le silence dans la peau suscite de la compassion pour cette impossibilité d’amour maternel, pour les mauvais traitements qu’elle reproduit, mais si la liberté d’écriture que tente Claire Tencin avait été plus maîtrisée, le livre serait plus convaincant.