par Agnès Baillieu
Sans doute faut-il ignorer les querelles (de voisinage ou non), les critiques. Peut-être vaut-il mieux aussi oublier que les lecteurs du théâtre de Shakespeare ne disposent pas toujours de traductions qui répondent à leurs attentes. Bref, on se dira probablement, en abordant la lecture de ce petit livre, qu’il arrive à point nommé. Ana de Staal rappelle qui est Martin Bergmann, psychanalyste états-unien peu connu en France, clinicien, historien, « postfreudien », enseignant éminent (1913-2014). Les trois études que regroupe le volume ne sont qu’une partie des notes du dernier séminaire qu’il a tenu à New York, consacré à « L’inconscient dans les pièces de Shakespeare », et que Martin Bergmann a intégralement réécrites et publiées sous ce même titre. Comme Freud, il était convaincu de la nécessité pour les psychanalystes de lire les classiques, et Shakespeare en particulier. On ne lit pas ici un essaim d’éléments théoriques échappés d’une boîte de Pandore, mais les conclusions claires et directes d’un lecteur érudit, qui prennent tout leur sens à la lumière de la conviction de Martin Bergmann : le créateur, révélant et dissimulant, définit ainsi une certaine qualité de relation avec l’inconscient, lisible dans les motifs dramatiques qui sont les conflits intimes que Shakespeare aurait laissés « transpirer » dans son œuvre. Ainsi, dans Le Songe d’une nuit d’été, il s’autorise à écrire, devient poète ; La Tempête, sa créativité décline ; Timon d’Athènes, le poète ne parvient plus à créer. C’est Régis Gaspaillard qui a traduit l’ensemble (texte de Martin Bergmann et extraits des pièces et des poèmes de Shakespeare). Et c’est très bien.
Traduit de l’anglais (U.S.A.) par Régis Gaspaillard
Ithaque
80 p., 12,00 €