Il y a des textes modestes d’apparence mais qui sont, comme ces plats dont la simplicité renforce le raffinement, d’une richesse de saveurs remarquable. Célébration de la pomme de terre en est. Attaché aux choses du moindre, Follain dresse une petite somme de cet aliment si usuel et banal qu’est la pomme de terre. Il en retrace les origines et l’histoire, à travers les continents et les siècles, il en décrit les variétés nombreuses, les modes de cuisson, les accommodements, y glisse un morceau d’enfance ou de littérature (Ponge, Barthes, Dumas, Voronca et le poète hongrois Illyes), en indique les vertus et clôt par une injonction : « N’oublions pas la pomme de terre ». Bien sûr que ce livre, qui tient à la fois de l’encyclopédie du tubercule et du poème en prose, se lit avec gourmandise car il dit la complexité de ces choses que les habitudes et le quotidien tendent à aplanir et banaliser. Il pourrait prendre en creux une dimension plus morale, la pomme de terre, par la disparition de certaines variétés, par l’affadissement et l’uniformisation de nos usages, par l’industrialisation de son exploitation, étant devenue un objet de consommation vidé de sa substance : mais cette interprétation-là appartient au résultat de ma lecture, non à ce qu’en dit Follain. Lui en reste à l’objet dont les qualités multiples multiplient les plaisirs, à ce qui se cultive avec soin et se déguste, et l’élève à une sorte de noblesse naturelle, que renforce le plaisir d’écrire. Cette édition s’accompagne de dessins illustratifs de Marfa Indoukaeva et d’une précieuse postface d’Elodie Bouygues qui remet en perspective la genèse du texte et sa première édition chez Robert Morel en 1966.