par Antoine Emaz
Superbe livre massif : une vie de peinture. Les textes, de longueur variable et de natures différentes (entretiens, notes, courts essais…) se succèdent chronologiquement de 1975 à 2015 : on est dans le temps long, ce qui permet de saisir à la fois la cohérence d’une démarche et les « brisures » qui la traversent. Gérard Titus-Carmel ne se revendique d’aucun mouvement, école ou avant-garde, et les peintres qu’il évoque comme des « frères perdus et ô combien proches » sont des créateurs à part : Degas, De Chirico, Giacometti, Morandi, Van Gogh, Chardin, Grünewald, de Champaigne, Munch… Mais l’artiste nous fait aussi pénétrer dans son propre travail. Les Notes d’atelier (1971-1989), inédites et passionnantes, abordent aussi bien des points techniques que des questions de fond telles que le rapport au modèle, la représentation, la fonction du dessin, la « série » (dynamique, épuisement, transition)… Très intéressante aussi, l’analyse du rapport poésie / peinture (y compris dans le livre d’artiste) par un créateur qui pratique les deux modes d’expression. Un livre-somme, qui permet une vraie rencontre avec une œuvre et un peintre tout en énergie, tensions, doute et maîtrise.