par Jérôme Duwa
Où en est André Breton avec le temps ? Cette question devrait s’imposer à l’initiale de tout projet biographique conséquent, dès lors qu’il se garde de l’accumulation anecdotique et de l’approche romancée. Puisque le surréalisme s’est plu à « jouer avec le temps », Georges Sebbag, ancien membre du groupe, a voulu rester fidèle à ce principe en élaborant un livre à la trame chronologique discontinue : ainsi, nous circulons sans cesse sur la flèche du temps entre le Bal des ardents (1393), la naissance de Diderot en 1713 (date qu’André Breton lisait dans ses propres initiales), la mort de Vaché, la rencontre de Nadja, de Suzanne Muzard, de Simone et, plus près de nous, un jour de septembre 1994 où fut prononcée une conférence sur Ducasse, philosophe incompréhensibiliste. Cette construction collagiste correspond au mieux à une existence livrée à la loi des attractions passionnelles et des coïncidences intempestives.
Chacun connaît ces babioles touristiques faisant tomber des giboulées de neiges sur un quelconque monument célèbre : la vie de Breton est à appréhender à travers ce prisme floconneux, celui de « siècles boules de neige » parcourus en tous sens, sans aucune considération pour le passage linéaire du temps.