Yves Bonnefoy : Sur la question du livre / L’écharpe rouge / Ensemble encore







8. Ibid., p. 143.

9. Ibid., p. 162.

10. Ibid., p. 72.

11. Ibid.

12. Yves Bonnefoy, Entretien avec Natacha Lafond et Mathieu Hilfiger sur la question du livre, p. 38.

13. Yves Bonnefoy, L’écharpe rouge, p. 31.

14. Ibid., p. 152-153.

15. Yves Bonnefoy, « Lever les yeux de son livre », Nouvelle Revue de Psychanalyse, n° 37, printemps 1988, p. 9-20.

16. Yves Bonnefoy, L’écharpe rouge, p. 147.

17. Ibid.

18. Yves Bonnefoy, Entretien avec Natacha Lafond et Mathieu Hilfiger sur la question du livre, p. 36.

par Matthieu Contou

Un Entretien avec Natacha Lafond et Mathieu Hilfiger sur la question du livre ; un nouveau recueil de poèmes, significativement intitulé : Ensemble encore ; et L’écharpe rouge, une quasi auto-analyse qu’il conduit comme, naguère, les diverses archéologies de la « vocation poétique »1 de Giacometti, de Goya, de Rimbaud, de Baudelaire et de quelques autres illustres compagnons de route.
Tels sont les trois ouvrages qu’Yves Bonnefoy publiait au printemps dernier, si peu avant de disparaître, au seuil de l’été qu’il aimait tant.
Et, partout, « entre les mots que ces lettres forment quel bonheur, quelle belle raison paisiblement respirante ! »2. Car, malgré la nuit qui s’annonçait alors – « C’est bizarre, je ne vous reconnais pas. Tant il fait nuit je ne vois plus votre visage […] »3 –, c’est à chaque fois la même lumière qui prédomine : celle de « la pluie d’été, celle qui n’occulte pas le soleil, qui même le multiplie et l’approfondit, l’intériorisant aux feuillages qu’elle traverse, aux étoffes qu’elle plaque sur de jeunes corps riants et troublés »4. Cette « pluie d’or, lumineuse, étincelante »5, ces « milliers de lueurs fugitives »6 qui sont « aussi bien les milliers de mots de la langue enfin dégagés du poids des concepts, vivant à plein le désir pour se dissoudre dans l’évidence de l’unité qui paraît en eux comme le soleil dans l’averse […]. »7.
De ces trois ultimes publications, on dirait donc tout autant qu’elles confirment que le « projet de la poésie »8 est, chez Yves Bonnefoy, intimement solidaire de l’optimisme métaphysique qui enseigne que, lieu, objet ou personne, « [l]’autre n’est pas le toujours perdu »9.
À quoi il y a cependant une condition, morale, sinon même spirituelle, qui est, sans aucun doute, l’essentiel du legs d’Yves Bonnefoy.
Oui, la poésie est bel et bien cette autre modalité de l’emploi des mots qui les rend à nouveau porteurs d’une « promesse d’être »10 et « donne [ainsi] l’espoir d’une société rénovée »11. Mais pareille « alchimie du verbe » suppose alors aussi qu’on veille à ne pas succomber à la tentation d’idolâtrer nos signes. Elle exige qu’on se dispose à renoncer aux chimères qu’ils suggèrent, à ces « mirages d[e] la pensée »12 prise au piège de « l’imaginaire métaphysique »13, pour préférer se souvenir des autres dont « on n’a pas eu la mémoire à des moments cruciaux » et se décider à leur « [re]parler dans l’espace de l’existence effective, cet âtre où peut jaillir une flamme de quelques restes de braise pensivement rapprochés »14.
Ce qui est encore inviter à « Lever les yeux de son livre »15. À ne pas abandonner « telle belle jeune fille prête à la conversation »16 à son faux mystère, en se disant, comme Yves Bonnefoy sur l’un des trajets de son enfance : « Plutôt tirer de mon cartable les Poèmes de Paul Valéry […] et retrouver les “Fragments de Narcisse” ou ce “Cantique des colonnes” par l’effet duquel j’entrais droit dans mon désir d’absolu. »17
Aussi n’y a-t-il probablement pas si loin entre hériter d’Yves Bonnefoy et continuer à s’interroger après lui : « Pourquoi faudrait-il qu’un livre soit, comme tel, une fin ? Que l’idée d’écrire un livre fasse trembler d’émotion ? Que l’on s’enferme dans l’écriture d’un livre comme si c’était la réponse qu’il faut au supposé non-sens qu’il y a à vivre ? »18




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Sur la question du livre
Entretien avec Natacha Lafond et Mathieu Hilfiger
Précédé de Yves Bonnefoy ou la responsabilité poétique
par Pierre Dhainaut
Le Bateau Fantôme
« Vita poetica »
56 p., 16,00 €
couverture
L’écharpe rouge
Suivi de Deux scènes et notes conjointes
Mercure de France
264 p., 19,00 €
couverture
Ensemble encore
Suivi de Perambulans in noctem
Mercure de France
129 p., 14,80 €
couverture

1. Yves Bonnefoy, L’écharpe rouge suivi de Deux scènes et notes conjointes, p. 36.

2. Ibid., p. 108.

3. Yves Bonnefoy, Ensemble encore suivi de Perambulans in noctem, p. 9.

4. Yves Bonnefoy, L’écharpe rouge, p. 168.

5. Ibid.

6. Ibid., p. 169.

7. Ibid.