Isabelle Baladine Howald : Hantômes

 
par Antoine Emaz

« L’élégie est l’arrivée et rien qu’elle. / Hantômes est le livre pour les enfants, à leur place – / de morts. » À la fin de la première partie du livre, qui en compte deux, ces trois vers semblent porter le projet, mais ils éclairent autant qu’ils interrogent. Si le thème de l’enfant mort, de la perte, peut être considéré comme élégiaque, la forme de l’écriture choisie, fragmentée, brisée, n’indique rien d’un apaisement mélancolique : « Cette syntaxe de la mort (tirets, cessation de respirer) ». Le livre nous place dans la violence du deuil, et s’il est « pour les enfants », il faut entendre qu’il leur est dédié (cf. la dédicace initiale) plus que destiné à leur lecture.
Les poèmes de ce livre sont directs parce que centrés sur une seule expérience, brutale, celle de la séparation. « Je ne peux pas te dire la cécité de tes yeux / – entrouverts sans vie noircis / rêveur mort   je ne peux pas ». Mais en même temps, ils sont complexes parce que cette expérience se ramifie, se prolonge, lève des échos : ainsi pour Mallarmé dont Pour un tombeau d’Anatole croise et recroise ce livre. De même pour les passages énigmatiques du singulier (disons l’intime, « je / tu », poète / enfant mort) à du collectif : « petit peuple de hantômes », « Hantômes à genoux – prient qui ? », « Hantômes – là. »… On songe au titre de Mahler, Kindertotenlieder. Ce glissement de l’expérience personnelle, dominante, au « frottement des textes » et à l’élargissement du « petit mort » au « mouvement lent des fantômes » annonce peut-être une stabilisation du deuil et la possibilité future de « l’élégie ».




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Isabelle Sauvage
« Présent (im)parfait »
64 p., 13,00 €
couverture