par Jérôme Duwa
Ce volume, préparé avec grand soin par Jean-Michel Goutier, constitue le premier tome de la correspondance d’André Breton dont l’interdit de publication de 50 années vient tout juste de toucher à son terme. Il s’agit donc là d’un événement éditorial de premier plan. Mais qu’apprend-on de la lecture de ces lettres adressées à sa première épouse, Simone Kahn, qu’on ne savait déjà par ailleurs ? Peut-être qu’il est temps d’en finir avec un Breton relevant de l’imagerie d’Épinal. Il fallait sans doute cette lumière vacillante d’une correspondance intime débutant en plein dadaïsme pour que soit posée à nouveaux frais la question fondamentale qui habite Breton : celle de la « toute-sincérité ». Sincérité de la passion pour Simone, Nadja ou Suzanne Musard, sincérité de la poésie qui exige que l’art soit abouché à la vie, ou ne soit pas. Comment être traversé par cette nécessité sans perdre parfois le sens, comme sur cette attraction foraine étourdissante, le steam-swing. Il paraît difficile dans cet état permanent de tension de parvenir à une quelconque sérénité. C’est pourquoi Breton confie si souvent ses glissades sur la pente du désespoir : le groupe de ses amis surréalistes apparaît ainsi comme un élément de stabilisation propre à rechercher un équilibre constamment menacé.