Jean-Baptiste Clément : Chansons du peuple

 
par Michéa Jacobi

L’anthologie des chansons de Jean-Baptiste Clément éditée par Le Temps des Cerises (quel meilleur nom pour publier ses poèmes ?) ressemble à ces humbles livrets qui, circulant autrefois dans les colonies de vacances, engageaient les ouailles laïques ou chrétiennes à défier en chœur le crépitement des feux de camps. Pour peu qu’on ait encore un peu de rouge au cœur, c’est en poussant la chansonnette qu’on se surprend d’ailleurs à le feuilleter :

« Oui mais, ça branle dans le manche
Les mauvais jours finiront »

Nostalgique usage qui s’accorde parfaitement à la nostalgie qui imprègnent plusieurs refrains de Clément : citadin rêvant de campagne, doux amoureux se rappelant les moments où il n’a pas osé, révolutionnaire composant à l’avance la plus belle élégie à la révolution assassinée, ce fameux « Temps des Cerises » écrit quatre ans avant la Semaine sanglante.
Ce qui n’empêche nullement notre homme d’avoir l’œil vif sur la classe d’homme qu’il défend (« Gare à toi Madeleine / Ton homme a touché sa quinzaine »), la dent dure envers les riches et les gendarmes et l’ironie grinçante pour les artistes un peu trop épris de bondieuseries. Comme en témoigne « L’Angélus », poème naturellement adressé à Millet :

« Je vais vous conter sans parler latin
Ce que l’angélus nous dit le matin :
Qu’il pleuve ou qu’il gèle
Lève toi bétail
Quitte ta femelle
Et cours au travail »

Tout cela si heureusement tourné que l’on peut raisonnablement supposer que les chansons de Clément en ont inspiré bien d’autres ; celles de Weil et de Brecht, celle de Willemetez (Clément a écrit bien avant lui un « C’est mon homme »), les couplets de « Ma France » de Jean Ferrat qu’il anticipe avec une force toute actuelle dans une pièce de 1887 intitulée « Ô ma France » :

« Ouvre tes flancs aux exilés
Qui, pour patrie, ont vu le monde :
Martyrs traqués par les tyrans
Apôtres de l’indépendance
Bien dignes d’être tes enfants
Ô ma France »

Bravo Jean-Baptiste ! Et bravo à Roger Bordier qui au début du livre, retrace avec sobriété ton existence.




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Le Temps des Cerises
136 p., 11,00 €
couverture