Antoine Compagnon : Les Antimodernes

 
par Agnès Baillieu

Une dizaine d’années s’est écoulée depuis les premières définitions qu’Antoine Compagnon donnait des antimodernes : « les modernes en délicatesse avec les Temps modernes, le modernisme ou la modernité, ou les modernes qui le furent à contrecœur, modernes déchirés ou encore modernes intempestifs ». La postface inédite de cette réédition en « poche » revient sur le sens du mot de manière à lever ambiguïtés et malentendus, et précise opportunément que ce livre prolonge Les Cinq Paradoxes de la modernité (1990) : il y a bien un sixième paradoxe – les vrais modernes sont aussi des antimodernes, c’est-à-dire des modernes non dupes du modernisme. Les anciens se sont révélés peu à peu les vrais modernes, ainsi Racine (on pourra relire le chapitre consacré à « Julien Benda, un réactionnaire de gauche à la NRF »). Pour les autres, les « mauvais » modernes, les « inauthentiques » : « Les noms abondent. Inutile de les aligner. » Non sans malice, Antoine Compagnon rappelle que des lecteurs se sont interrogés sur des absences – mais à quoi bon l’exhaustivité ? Il regrette surtout les attaques que lui a values le chapitre consacré à Roland Barthes – mais lui-même dès 1971 se voulait « à l’arrière-garde de l’avant-garde », et de toute façon s’élevait contre la doxa du politically correct, de même que Julien Gracq s’élevait contre la doxa de l’engagement. Permanence, ou résurgence, du « phénomène » aujourd’hui ? Régis Debray, Philippe Sollers, Richard Millet… sont-ils antimodernes ? Antoine Compagnon refuse de « décerner un label », et conclut : «  (…) s’il s’agit toujours d’être indocile, parce que la littérature, c’est cela – l’opposition –, le moment est venu de chanter les Lumières, non de faire la fine bouche. »




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De Joseph de Maistre à Roland Barthes
Postface inédite de l’auteur
Gallimard
« Folio essais »
708 p., 9,20 €
couverture