par Sébastien Hoët
Comme le dit lui-même Claro dans un petit texte de présentation en rabat de couverture, le recueil déroule sa traînée de flammes sous les auspices épigraphiques de Claudel – « Que parles-tu de fondation ? la pierre seule n’est pas une fondation, la flamme aussi est une fondation (…) » –, et Claro de fonder dans ce feu, loin des mornes pétrifications, une espèce de ballet à deux temps, de sacre du printemps, par la vertu de l’alternance des écritures, l’une en vers libre, ponctuée, scandée, l’autre en prose coulée, sans terme ni origine, sans ponctuation, étouffante. Dans les deux cas, dans ce langage qui fonce à toute vitesse et (se) réfléchit, autre chose est en jeu, autre chose que la seule affaire de la forme, que dit bien ce début de poème : « Parfois la pensée / à la façon d’un clou / s’enfonce et troue / la fibre en s’écartant / laisse entrer autre chose (…) » (p. 53). Dans le torrent, ou le magma langagier, de la seconde langue, retenons brièvement, avant qu’il ne passe, cet indice de vérité ou de pénétration comme dirait l’écrivain : « (…) observe l’œuf de plus près passe un doigt sur son infinie paroi que sens-tu c’est cela qui te déplaît l’invention du monde le cul de la langue dont tu ne voulais pas tant pis (…) » (p. 61). Claro, dans une belle énergie, une efflorescence métaphorique presque épuisante, exprime à sa manière virtuose cette perpétuelle invention du monde.