Nicolas Pesquès : La face Nord de Juliau, treize à seize

 
par Isabelle Baladine Howald

Juliau écrite comme la Sainte-Victoire peinte

Comment commenter La face nord de Juliau, la folle entreprise d’une vie, celle de Nicolas Pesquès, qui publie ici le volume « treize à seize », soit le 9e livre sur la colline qu’il regarde et tente de décrire depuis plus de 25 ans. Concrète et abstraite, cette colline, comme la poésie de Pesquès. Comment ne pas devenir fou, en écrivant sur ce lieu depuis tant d’années ? C’est qu’il y a toujours chose autre à voir, à observer, à écrire, chose autre à partir du jaune, couleur obsédante. Entreprise durable, couleur temps, ce jaune, angoisse du sujet toujours le même mais peut-être aussi espace rassurant, sujet toujours le même. Pourtant rien de clos, Juliau est une colline ouverte, toute entière parcourue par la question du langage et de la grammaire (il ne dit pas syntaxe ou langue ou phrase, il dit grammaire, à savoir conjugaison, concordance des temps, « sujet-verbe-complément », également inscrits dans le temps de Juliau). Comment dire, peiner à dire, aimer dire, chercher, trouver, et comment se positionne le corps devant Juliau ? Si tentante « et voici la face nord qui se lève » face au piolet-stylo. Il faudrait reprendre Juliau depuis le livre premier pour voir naître, durer, avancer, reculer, recommencer la tentative. Ce qui se dit de la colline comme ce qui se tait, ne se donne pas, c’est la matière même du travail de Pesquès, impressionnant, précis, impersonnel – ce je n’est pas un moi – et unique. Un travail construit par le regard, l’observation sans trêves de Juliau et de ses abords, l’amour de la colline (« colline, chère colline »). Une poésie en prose qui vers la fin se dénude en poèmes brefs, presque mutiques, sensibles à l’amour, au ciel, au cri des oiseaux au-dessus de Juliau.

Ainsi qu’il le dit, « non seulement ce que Cézanne a fait en peinture, mais ce qu’il a fait à la peinture ». Il faudra du temps pour lire tout Juliau depuis le début comme la Sainte-Victoire et voir ce que Pesquès a fait en « encre », mais également ce qu’il a fait à l’écriture.




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Flammarion
« Poésie »
240 p., 18,00 €
couverture