Michael Edwards : Bible et poésie / L’infiniment proche

 
par Matthieu Contou

« Il existe dans le réel une autre dimension. Toutes les religions la cherchent ; les écrits judéo-chrétiens la révèlent ; la poésie en est l’incertaine intuition. »1 Incipit de la dernière étude de Bible et poésie – « Les paupières de l’aurore », beau titre extrait du Livre de Job (3, 9) –, cette phrase est pour ainsi dire le credo de Michael Edwards. Son credo, dans cet essai, comme dans L’infiniment proche, le recueil de poèmes qu’il publie parallèlement, puisqu’on y lit, par exemple, sous le titre « La poésie … » :

« La poésie, rêveuse, lunaire,
Verse par les déchirures des nuages
Sur nos cœurs
Sur nos villes
Sur l’ample tapis volant du réel
De pâles rayons d’une autre lumière. »2

Et quel écho, en effet, entre la conviction du penseur chrétien et l’espoir du poète ! Car là où l’un juge que « [n]ous ne lisons pas la Bible comme elle prétend être lue »3, soit comme un texte poétique qui n’a nul besoin de « [l]a théologie [qui] risque toujours de nous en éloigner, en élaborant, avec les textes bibliques seulement comme point de départ, son propre discours »4, l’autre écrit, au cinquième vers de « Si », la probable réécriture du poème « If » de Kipling :

« Si la théologie ne rivalisait pas avec la parole de Dieu. »5

Quelles que soient les réserves que ces deux ouvrages ne manqueront donc pas de susciter chez l’athée et chez l’agnostique, qui inclineront plutôt à penser que l’expérience du « seuil » renvoie moins à

« une porte qui s’ouvre
dans la fiction du monde

où l’invisible
attend son heure »6

qu’au « leurre » dont parlait Yves Bonnefoy ; quel que soit le trouble qu’on peut éprouver à constater que le dogme, moralement catastrophique, du « péché originel » y joue à chaque fois un rôle central, on ne saurait cependant nier qu’ils sont tous deux impressionnants de sincérité et d’élégance. Aussi bien parviennent-ils même bien souvent à « suggérer ce que seraient un rapport chaleureux entre notre langue et notre monde et une relation signifiante parmi les présences du réel. »7




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Bible et poésie
Éditions de Fallois
180 p., 19,00 €
couverture
L’infiniment proche
de Corlevour / Revue Nunc
112 p., 19,00 €
couverture

1. Michael Edwards, « Les paupières de l’aurore », dans Bible et poésie, p. 159.

2. Michael Edwards, « La poésie … », dans L’infiniment proche, p. 26.

3. Michael Edwards, « Étrange christianisme », dans Bible et poésie, p. 7.

4. Ibid.

5. Michael Edwards, « Si », dans L’infiniment proche, p. 42.

6. Ibid., « Seuils », p. 35.

7. Michael Edwards, « Étrange christianisme », dans Bible et poésie, p. 8.