Autour d’Émile Benveniste

 
par Agnès Baillieu

Huit des Dernières leçons au Collège de France sont consacrées à l’écriture. Publiées en 2012, elles remontent à 1968-1969, soit sept ans avant la mort d’Émile Benveniste. Elles sont en quelque sorte le fil conducteur et l’objet des contributions, issues d’un séminaire, et des discussions qui les suivent rassemblées ici. Le volume s’ouvre sur deux inédits de Benveniste : « La traduction, la langue et l’intelligence » et « Singulier et pluriel », et offre nombre de fac-similés (pages manuscrites notamment). La linguistique générale était la « visée stable » de Benveniste, né en 1902 et d’abord comparatiste, et c’est dans ce cadre que ses recherches trouvent leur point nodal à la fin de sa vie. Le questionnement de fond concerne la constitution de l’écriture comme trace et comme structure, non loin de la phénoménologie du langage, ni de la philosophie du langage, non loin de Merleau-Ponty, de Derrida, pas si près de Saussure. Théorie de fait polyphonique qui voit dans le langage non plus un instrument mais un organisme signifiant, une intersubjectivité. Ainsi Benveniste, commentant Baudelaire, évoque les « mouvements primordiaux…, ceux du nageur, qui se meut dans l’eau profonde, ceux de l’oiseau ou du nageur inversé qui se meut dans les airs. » Le langage intérieur qui « procède du corps du poète » s’adresse à une communauté qui n’est pas celle du pacte social : « Il n’y a pas d’institution sociale capable de l’accueillir, abriter, transmettre. Si ce n’est… l’organisme du langage, et la linguistique. » La dynamique de ce volume réside donc dans des analyses de lecteurs qui sont des admirateurs des travaux de Benveniste, mais aussi dans des éléments biographiques de nature à éclairer l’homme plein de retenue resté dans l’ombre du savant (voir I. Fenoglio et J. Kristeva : l’histoire de « THEO », Ezra et Paris par exemple). « La linguistique est l’universalité, mais le pauvre linguiste est écartelé dans l’univers. »




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Textes de Irène Fenoglio, Jean-Claude Coquet, Julia Kristeva, Charles Malamoud, Pascal Quignard
Seuil
« Fiction & Cie »
400 p., 25,00 €
couverture