Ingeborg Bachmann enfin !

On attendait depuis longtemps la retraduction des poèmes d’Ingeborg Bachmann, introuvables. Voici cette anomalie totale enfin réparée par le travail très approfondi de Françoise Rétif, spécialiste de la poétesse. Bachmann est parfois célèbre pour de « mauvaises » raisons, son histoire d’amour avec Paul Celan lui a garanti une célébrité encombrante qui ne permet pas toujours à son travail de poète et de romancière la reconnaissance qu’il mérite. L’auteur de Malina est une femme extrêmement intelligente et cultivée, née en 1926 et morte en 1973. Autrichienne de père nazi, elle n’aura de cesse d’expier ce passé. Ce volume dont il n’existe même pas d’équivalent en Allemagne réunit toute sa poésie, de 1942 à 1967. Elle écrivait bien avant sa rencontre avec Paul Celan et ses poèmes ont une force très personnelle. Leurs poèmes se répondront longtemps avec une puissance égale. Courageuse, ayant foi en la vie, elle luttera contre la « nuit » celanienne qui le conduira au suicide en 1970. Vie et poésie sont ici étroitement entremêlées, prose et poésie aussi. Elle s’essaiera à de nombreux genres, toutefois la poésie représente une sorte de permanence, ainsi sa curiosité inlassable du langage. Françoise Rétif l’explique longuement dans sa préface. La connaissance qu’elle a de longue date de l’œuvre de Bachmann nous assure une finesse d’analyse et une finesse de traduction vérifiable par le bilinguisme de cette édition (bilinguisme indispensable à toute édition de poésie étrangère, faut‐il le souligner...). Les poèmes de jeunesse sont emplis de l’espoir et de la lucidité de Bachmann sur ses besoins (la lumière en toutes choses), puis des expériences amoureuses et de ce qu’elle attend encore. « Comment m’appeler / sans être dans une autre langue ? » reste sa question ouverte...