par Michéa Jacobi
Le lundi 17 mars 1930 Virginia Woolf écrivait dans son journal : « La pierre de touche d’un livre (pour l’auteur), c’est de parvenir à créer un espace dans lequel vous introduisez tout naturellement ce que vous avez à dire. » David Bosc s’est glissé, pour exécuter ce plan, dans la peau d’une certaine Sonia dont il a trouvé la trace dans les Carnets du poète Georges Henein. Cette jeune femme s’est défenestrée à Londres en 1945 et son suicide a donné lieu « selon l’abjecte coutume anglaise, à un procès contre la défunte ». L’auteur relate avec lyrisme ses derniers instants, explore avec précaution son atelier abandonné, puis écrit au présent, c’est là l’essentiel de son livre, un journal intime à la place de son héroïne. Il y verse d’évidence des réflexions personnelles, des extraits de son journal à lui. Une critique alerte du freudisme, des beaux passages sur les animaux, des descriptions de peintures, des réflexions subtiles sur sa langue et sur les langues en général. Et pour justifier la diversité de ses intérêts, il glisse, comme un aveu : « Je n’étudie rien avec système. Je sais pourtant mille choses pour peu que j’en ai eu un jour la curiosité. »
L’espace dont parlait Virginia Woolf a-t-il ainsi été créé ? Ce que l’auteur veut nous dire s’y glisse-t-il naturellement ? C’est à chaque lectrice et à chaque lecteur d’en décider. De se glisser dans le soigneux artifice de David Bosc ou, suivant une autre des réflexions de l’auteur : « Seul me porte vers les livres le désir d’y trouver ce que je n’y soupçonnais pas », de ne pas s’y laisser prendre.
96 p., 11,50 €