Antonio Porta : Les Rapports

 
par Sébastien Hoët

Les éditions Nous confirment l’excellence et la précision de leurs choix de publication en offrant au lecteur curieux une œuvre fondamentale de la poésie italienne contemporaine. Il s’agit du premier recueil d’Antonio Porta. On peut à juste titre s’étonner des délais de traduction entre le recueil original, paru en 1966, et le recueil que nous tenons enfin entre les mains. Porta, décédé en 1989, a fait partie des groupes poétiques d’avant-garde Novissimi puis Gruppo 63, où Edoardo Sanguineti (traduit récemment chez Nous lui aussi) officia. Les Rapports impressionne par sa maîtrise et sa manière à la fois sèche, minutieuse, délicate, de nommer les choses depuis un imperceptible point de vue, imperceptible parce que sans cesse mobile, oscillant, point de vue qui est au vrai celui de l’action prise in medias res1. Un exemple : « Leçon de patience, une nécropole celtique, / le maître du doute, incursion nocturne, / à l’article de la mort, car elle est fatiguée, nuages vénéneux, veut tout et crie / son innocence, il y a une porte ouverte, / aime la chasse au renard, dans d’atroces / souffrances les merveilles de la terre (…) » (p. 24)2. Le lecteur sera littéralement dérouté par cette collision d’actions (au sens large) qui se passent de verbes ou de sujets, de pronoms (un des ressorts de la langue italienne consiste d’ailleurs à s’en passer), qui, en somme, désoriginent la parole et désubjectivent le sujet, dénouant les rapports et restituant par le texte l’opacité d’un monde trop touffu pour s’épuiser dans l’explication linéaire. Alessandro De Francesco, dans une préface érudite au plus près du signifiant, propose l’usage d’un concept, le « TPI », troisième personne impersonnelle, pour être à même de lire ce recueil à certains égards, poétiques et philosophiques, illisible. Judith Balso, en postface, éclaire pédagogiquement le contexte historique de parution de ce recueil fascinant, où Pasolini est évidemment une figure majeure.




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Traduit par Caroline Zekri
Préface d’Alessandro De Francesco
Postface de Judith Balso
Nous
« now »
128 p., 18,00 €
couverture

1. Il faut commencer par le milieu, répétait Deleuze…

2. N’oublions pas de citer Caroline Zekri pour son très beau, et méritoire, travail de traduction.