par Ludovic Degroote
Cet important volume consacré à James Sacré propose une anthologie de son travail de son premier livre (Relation, 1965) à America solitudes (2010). Elle est introduite par une solide étude d’Alexis Pelletier suivie d’un riche entretien entre celui-ci et l’auteur, complétée par un cahier iconographique qui fait bonne place aux éditeurs et traducteurs, et se clôt avec une bibliographie détaillée. Un bel ensemble pour qui veut découvrir ou redécouvrir l’œuvre de cet auteur de premier plan, et son approche par un poète contemporain. Dans son analyse, Pelletier met en avant la double notion de don et d’accueil dont lui semble caractéristique l’écriture de Sacré, en les reliant à diverses entrées : lieux de vie (dont le Poitou natal et les États-Unis où vécut l’auteur), langues (patois, français, anglo-américain, arabe), matière de l’écriture (grammaire, doute, désir, par exemple), relation à la musique et à la peinture, question du lyrisme, etc. Bref, « un accueil du monde dans sa diversité », le tout émaillé de nombreuses citations qui montrent la cohérence de cette œuvre et la qualité de la lecture de Pelletier. L’entretien revient sur certaines de ces entrées, qui mettent en évidence la richesse et la subtilité de la pensée de James Sacré ; celui-ci refuse les dogmes et les enfermements, cherchant à contextualiser, à resituer l’écriture par rapport à l’histoire littéraire, qu’il s’agisse par exemple de l’articulation vers / prose, de la distinction poésie / roman ou du prétendu clivage formalisme / lyrisme. Interrogé sur les rapports entre poème et pensée, il préfère d’ailleurs parler du « désir égaré qu’est l’écriture », ou de « l’errance désirante du poème » qui est « une pensée qui n’attend pas de résultats ». Modestie non feinte.