par Gérard-Georges Lemaire
Le suicide à Paris de Mário de Sá-Carneiro en 1916 à l’âge de 26 ans a été un choc pour son ami Fernando Pessoa. Ce livre recueille toutes les lettres (nombreuses) que le jeune Portugais a adressées à Pessoa resté à Lisbonne. Cet échange épistolaire qui commence en 1912 est d’une richesse inouïe car il ne s’agit pas de courts billets, mais, souvent, de longues digressions sur la littérature, bien sûr, mais aussi sur d’autres sujets, sur les rencontres qu’il a pu faire et sur la vie parisienne. Pessoa l’a sans doute considéré comme un aîné (en dépit d’une modeste différence d’âge : l’auteur du Livre de l’intranquillité avait même deux ans de plus que lui !). Mais son camarade avait écrit déjà nombre de poèmes, un roman, une pièce de théâtre et différents textes qui ont fini par constituer une œuvre à part entière. La publication de ces lettres est d’une grande importance pour comprendre les idées qui animaient les jeunes auteurs portugais du début du XXe siècle et aussi de prendre la mesure de ce que Pessoa a pu apprendre des considérations que lui envoyait Sá-Carneiro, qui ont considérablement contribué à sa formation au début de son aventure littéraire. Les deux hommes étaient vraiment faits pour se comprendre : ils partageaient des idées très originales, n’épousant pas celles des grands courants de l’avant-garde de cette époque si dense. Ils avaient leur conception de la littérature. La dernière missive qu’il rédige sur un guéridon du Café Riche serre le cœur car elle a été expédiée par un tiers après la mort de son auteur.