Histoire des traductions en langue française

 
par Jacques Demarcq

Merveilleuse époque, celle des débuts de l’imprimerie, de la Renaissance, des guerres de religion bientôt, pendant laquelle :
• la littérature ne représente que 16 % des éditions, avec environ 8 000 titres, dont la moitié de poésie ;
• la religion, certes, noircit un quart des livres, annonçant les massacres ;
• sont traduits 2 670 ouvrages, 3 fois plus qu’en cinq siècles de Moyen-Âge, en français d’oïl, rarement en occitan, de la science, du droit, du religieux, de la philo, mais aussi des poètes, latins beaucoup, grecs aussi, et italiens ;
• un feuilleton espagnol devenu italien puis allemand, Amadis de Gaule, roman de chevalerie qui inspirera Cervantès, traverse le siècle en 24 gros volumes ;
• la traduction paie : Octavien de Saint-Gelais, père de Mellin, est promu évêque très jeune, pour sa version versifiée de l’Énéide (vers 1500) ;
• Marot, puis toute la Pléiade (Baïf, Belleau, Du Bellay, Peletier du Mans, Ronsard, Tyard, à l’exception de Jodelle) translatent, adaptent, empruntent, imitent, réécrivent, pour un roi, un mécène, ou leur plaisir ;
• Marot adapte librement deux livres des Métamorphoses d’Ovide (1530), mais traduit presque vers à vers six sonnets de Pétrarque (1539) ;
• Du Bellay, contre la trado littérale, énonce la loi des gains et des pertes : « ce que le translateur n’a pu rendre d’assez bonne grâce en un endroit [il] s’efforce de le compenser en l’autre », et versifie angevinement deux chants de l’Énéide (1552) ;
• Baïf invente le vers mesuré « à l’antique » pour ses Psaumes (1567-1573) ;
• Peletier du Mans calque l’original, respectant les proportions : 2 décasyllabes pour 1 hexamètre d’Horace (1540) ;
• Baïf (1558), Ronsard (1550) et Du Bellay (1558) réécrivent chacun à sa main le célèbre Vivamus mea Lesbia de Catulle, Baïf étant le plus fidèle à l’esprit et follement inventif ;
• les traductrices ne sont pas rares : Christine de Pisan, Marguerite de Navarre, Pernette Du Guillet, Marie Stuart, Marie de Gournay éditrice de Montaigne, pour les plus connues ;
• traduire n’est pas sans risque : Étienne Dolet, éditeur de Marot et Rabelais, auteur d’une Manière de bien traduire, est condamné par la Sorbonne pour une phrase d’un dialogue apocryphe de Platon : « attendu que tu ne seras plus rien du tout », dictum epicuraeum, qui lui vaut d’être étranglé et brûlé place Maubert (1546) ;
• Peletier conclut : « Je leur pourrai dire qu’en translatant / Y a grand peine et de l’honneur pas tant » (à Mellin de Saint-Gelais, 1547).

Merveilleux cet ouvrage savant, à la fois synthétique et détaillé, qui plonge son lecteur dans la vie intellectuelle du XVIe siècle, bien plus passionnément qu’un roman historique1.




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
XVe et XVIe siècles (1470-1610)
Sous la direction de Véronique Duché
Verdier
1344 p., 48,00 €
couverture

1. Les deux volumes suivants, XVIIe et XVIIIe siècles, XIXe siècle, sont parus. Le XXe siècle est à paraître.