Chlore : Ariettes oubliées

 
par Odile Mouze

Répétitions, refrains, assonances… Pour composer et rythmer sa mise en musique, Chlore1 joue de tout ce qui fait la modulation propre à Verlaine après la rencontre avec Rimbaud. Moment décisif où sa poésie est la plus limpide, où la maestria même est défaite par la maestria. Entre coffret de CD et livre d’artiste, l’objet lui-même est un travail mûrement pesé. Les neuf Ariettes sont imprimées chacune différemment (parfois l’encre est estompée, brouillée) sur neuf feuillets Chromolux savamment pliés pour l’emboîtage carré. Une particularité du Chromolux est son verso en couleur : chacun des feuillets a sa nuance, en un dégradé d’après la pluie qui va du jaune citron au mauve. Là aussi, Chlore évoque le flou, le mouillé, le « tremblé » verlainien2. Il faudrait être plus savante que je ne suis pour analyser l’inventivité musicale. La batterie est ici comme un surlignage ironique à l’injonction de Verlaine – rien qui pèse ou qui pose – peut-être aussi une volonté de ne pas se laisser aspirer dans le sillage de Léo Ferré. Mais de même qu’en travaillant sur ces Ariettes Chlore assume l’héritage, de même il assume musicalement la continuité, en un hommage savant et distancié. La troisième Ariette par exemple (O triste, triste était mon âme) : quoique la Sonate au clair de lune y serve de point d’appui et que le chanteur par moments évoque la résonance particulière à la voix de Ferré, on entend, dans le mouvement d’accorder-désaccorder, épouser et contrarier la mélodie, un exercice d’équilibre entre admiration et liberté.




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Hybris
9 feuillets Chromolux, 41,5 x 28,5 cm sous emboîtage + CD, prix non indiqué
couverture

1. Chlore est « un collectif d’artistes réunis autour d’une passion commune pour la poésie et la musique ».

2. d’autres détails jouent leur rôle : par exemple, les neuf occulus, qui trouent l’emboîtage en ouvrant un palimpseste sur la face brillante du CD, créent un miroir brisé, ou une constellation de neuf étoiles.