par Alain Helissen
Au début il y a une conteuse. Elle dit qu’elle doit écrire le synopsis d’un film sur Hans Bellmer. Mais, bien que celui-ci soit largement évoqué, c’est le personnage d’Unica Zürn, sa compagne de 1953 jusqu’à son suicide en 1970, qui va faire l’objet d’une fiction un rien vengeresse, savamment orchestrée par Véronique Bergen sous le titre hautement bellmerien : Le cri de la poupée. Il s’agit plutôt, comme l’annonce l’auteur, d’une « recréation » donnant naissance à « Unica bis », espèce de marionnette plus ou moins vivante, poupée de chair faisant bien sûr référence à l’œuvre fétiche d’Hans Bellmer. En une succession de tableaux narratifs, Véronique Bergen bâtit un récit mêlant invention romanesque et faits réels extirpés de la riche épopée surréaliste. « Tailler le réel à coups de serpe est le seul acte qui vaille », écrit-elle en garantissant : « tous mes mots sont faits maison, confectionnés à la main, sans dé à coudre. » L’exercice est brillant. Sans doute faut-il y déceler l’expression réinventée et libératoire de la véritable souffrance endurée par Unica Zürn dans l’ombre envahissante de Bellmer : « se laver de la honte d’exister est la seule chose qui la maintienne debout. »