Geoffroy Squires : Pierres noyées

 
par Yves Boudier

Comme l’indique avec discrétion en quelques lignes François Heusbourg, son traducteur et éditeur1, Pierres noyées est le premier titre que Geoffrey Squires publia en 1975 à Dublin, un livre constitué d’un ensemble de poèmes et de courtes proses marqué à la fois par sa jeunesse irlandaise et ses séjours en Iran, en France et aux États-Unis, à quoi se conjugue l’influence des poètes objectivistes américains, ceux de Black Mountain en particulier. Or, aujourd’hui à sa lecture, le caractère sensible d’une œuvre « still life » davantage que celui d’une épellation objective des éléments du temps présent ou passé, l’emporte dans ces poèmes brefs à travers lesquels une dimension méditative se renouvelle et s’interroge sur sa propre validité, avec une ironie tendre mais une constante lucidité qui ne manque pas d’un humour discret. C’est dans cette émotion que se forge le charme douloureux d’un acquiescement au monde, à la société, et que le sujet qui instruit chaque vers de ses doutes se questionne sur la validité de sa présence dans le miroir « à quelques centimètres de [son] cœur » que représente le poème lui-même. Cette opération ne manque ni de délicatesse ni de violence retenue. Elle s’offre dans une double tension paradoxale qui ancre dans le naturel et l’humain les débuts de l’écriture d’une œuvre à la recherche de sa voie / voix, d’une adhésion possible à l’Autre. Les éléments de la nature « à travers la fenêtre ouverte de l’espace » fournissent la matière polymorphe de cette quête poétique où les animaux, les paysages, les hommes et les femmes aux âges indécis, dans leurs différences et identités, leur dimension éternelle ou éphémère, jouent la partition d’une recherche en poèmes de « Ce qui est là » car « ce n’est pas le temps qui passe / mais le temps qui change ».




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
Éditions Unes
128 p., 21,00 €
couverture

1. Il a récemment traduit et publié du même auteur Sans titre (2013) puis Paysages et Silences (2014).