par Christophe Stolowicki
Quand le poète mène l’enquête, commande la dérive. Que cet « idiot utile », tireur d’élite transversale de « frères de sang d’encre », sur la « culture bourgeoise » personnifiée de misogynie recuite par quelque « péronnelle peroxydée » – dégainant le Beretta fait feu, long feu fracassant tout « devoir de mémoire ». Une mémoire honnie court derrière le polar. Une langue râpeuse, verte, mûre, opiacée, distille le cocktail de ses alcools. En chapitres brefs, quarante-cinq tours de l’après-guerre, un roman de poète tient en haleine par la seule teneur de l’haleine. Réglant des comptes pour solde de toute vie, tableau de bord peint au couteau, un polar caméra au poing qu’adoucissent les changements de filtre, de focale du passage au style indirect, convulse son autofiction jusqu’au flashback final. « L’homme qui aimait Françoise Hardy » anaphoriquement et dont tout indique qu’il l’a tuée révèle son innocence méticuleuse. Les provocations du jeu de marionnettes hitlériennes, Eva Braun insécable de son mentor, les plaisanteries antinazies auxquelles je ris jaune comme à une défausse de la fascination, le jeu de piste nous déportant de la planque bénédictine d’un collaborateur connu à la triple homonymie d’un traître patenté – de caillou en caillou défrichent un passé aboli dans les paysages d’une descente de l’Escaut¹.