Christophe Manon : Extrêmes et lumineux

 
par Jean-Pascal Dubost

Un roman au souffle poétique parce qu’épique en prose est le nouveau livre de Christophe Manon qui, à l’instar de la verve politico-fraternelle de ses livres de poèmes, emporte au gré d’une mémoire non point capricieuse mais fouillant une histoire familiale par le biais de photos, de cartes postales, d’objets divers, de morceaux d’écrits, à dessein de provoquer l’étincelle qui fait jaillir du temps naguère des anamnèses que l’écriture raboute entre elles. En poète pointu, ce n’est pas par mimétisme formaliste gratuit que Christophe Manon use de quelques procédés typographiques, tel et surtout le saut de paragraphe en milieu de mot, proposant des espaces blancs qui ne sont pas des respirations rythmiques, mais des sauts temporels, des strates qui s’ajoutent les unes aux autres devant nos yeux et, ce faisant, creusent une mémoire abyssale. Ainsi que le Grabinoulor1, une seule et même phrase anime l’élan romanesque, s’auto-génère, s’amplifie, et peut-être même est-elle le prime prétexte d’écriture, une phrase qui procède par sur-ajouts et par accumulations, par quoi la mémoire et le réel, discontinus mosaïques, grâce au fil ténu de cette phrase élastique, se constituent en fresque.




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Verdier
192 p., 13,50 €
couverture

1. Roman-épopée d’une seule phrase de mille pages de Pierre Albert-Birot écrit entre 1920 et 1963 (composé de six livres).