par Sébastien Hoët
Contrairement à ce que fait Éric Chevillard dans la préface de ce recueil, il n’est nul besoin de rapprocher Herbert des objeux de Ponge : l’étude de l’objet n’est pas le lieu où puise l’inspiration du poète polonais, cette étude n’est qu’un moment terminal, un jeu de focale dans l’économie des réglages de vue ici recueillie. Au vrai, concédons à Éric Chevillard qu’il est difficile de parler de cette poésie : l’écriture y est nue, traversée d’une discrète ironie qui la fait douter d’elle-même et la corrode secrètement, et ne choisit pas entre ce qu’il est convenu d’appeler le « réel » et l’ « imaginaire » – « (l’oiseau de l’arbre) vit maintenant / à l’impossible frontière / entre matière animée / et inventée (…) sur ce qui l’arrache à la réalité / mais n’a pas assez de cœur / assez de force // ne devient pas image » (p. 19). L’objet se tient lui aussi à cette impossible frontière : « le plus bel objet est / celui qui n’existe pas » (p. 95) mais l’inexistence doue ce qu’elle touche d’une permanence dont est incapable la réalité : « ni / la cécité / ni / la mort / n’effacera l’objet / qui n’existe pas » (ibid.). Herbert vague dans la mythologie et dans l’histoire, dans la politique même (Considérations sur la nation), la peinture, avec son écriture ciselée comme au scalpel1, et ce pouvoir qui est le sien de faire trembler le réel sur ses pieds.
1. La traductrice rend heureusement l’incise propre à cette poésie.