Sonia Chiambretto : État civil

 
par Sébastien Hoët

Nous sommes à Marseille, dans un « passage rempli comme un stade » où les « administrés » se succèdent face à un « agent public », ces administrés qui sont désignés sobrement par un numéro – on ira du 93 au 123 avant que l’agent public ne soit relayé, épuisé, par un « agent de renfort » – ; par un numéro ou une description physique impersonnelle : une jeune femme, les deux hommes, une jeune femme voilée, la mère… On ne sait si l’auteur a enregistré ces échanges si divers mais l’effet de réel est saisissant : « N°102. Bonjour Madame. / C’est pour le renouvellement d’une carte d’identité : je change de nom. / L’AGENT PUBLIC. Vous vous mariez ? / N°102. Non. / L’AGENT PUBLIC. Alors ? / N°102. Je suis “reconnue” tardivement, Madame » (p. 33). Les échanges concernent diverses procédures et prennent parfois des tournures amicales, il n’est pas question de dénoncer les agents de l’administration, il n’est peut-être pas question, d’ailleurs, de dénoncer, mais certainement de saisir ce qui se dérobe sous l’exténuante circulation de l’échange administratif : un état de la société, de son histoire (l’apparition de Walter Benjamin au numéro 113), le reste invulnérable de l’humain dans la transaction numérotée, soit tout ce que la langue atteste au rebours des appareils technologiques d’effacement de l’homme.




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Nous
« grmx »
80 p., 12,00 €
couverture