par Claudine Galea
Deux livres de Philippe Jaccottet paraissent dans la collection de poche « Poésie / Gallimard ». Le premier a été publié en 1968, le second en 1987.
D’emblée dire que nous aimerions profiter d’un troisième livre de cet ordre.
« Ni rêve ni pensée, quelque chose de plus ? » Quelle belle proposition pour la place de la poésie.
La rigueur, la précision, la curiosité, l’amour de lire qui animent cet homme, ses colères aussi contre l’appauvrissement de la langue et de la pensée, contre le jargon critique, contre la paresse de penser (qui, en littérature, se traduit par une écriture paresseuse) sont précieuses. Nous avons besoin de passeurs, et Philippe Jaccottet en est un. Passeur de poésie par son œuvre propre, traducteur d’œuvres essentielles de Robert Musil à Gongorà, et passeur-chroniqueur, comme c’est ici le cas.
Impossible de citer tous ceux et toutes celles qu’il aborde, dont il approche longuement ou brièvement la pensée, nous transmettant en quelque sorte le flambeau de leur lumière, cette lumière fût-elle obscure, déchirée dans le doute.
« La connaissance n’éteint pas l’étonnement » écrit Pierre-Albert Jourdan, poète méconnu. Les grands noms, je devrais plutôt dire les noms connus, tels Yves Bonnefoy ou Rilke, côtoient les œuvres discrètes et tout aussi essentielles. Cela témoigne encore de la position de Philippe Jaccottet, basée sur l’amour des œuvres et non sur l’air du temps.
Une transaction secrète est un titre parfait pour dire ce qu’il nomme ailleurs la « frêle » et cependant essentielle aventure d’écrire. Dès son premier recueil L’entretien des muses, la « façon » de Philippe Jaccottet est clairement et calmement établie : « Jamais un livre de poèmes n’aura été pour moi objet de connaissance pure : plutôt une porte ouverte, ou entrouverte sur plus de réalité ». Car il s’agit d’écrire « pour enlever des écrans, non pour les multiplier ». Merci.