par Agnès Baillieu
Le livre se clôt sur l’évocation des derniers jours de Boris Pasternak, en mai 1960, l’office des morts célébré à son domicile, et la cérémonie civile de son enterrement : « … Au bref éloge funèbre prononcé sur sa tombe par le philosophe Valentin Asmus, succéderont ses propres poèmes, choisis et récités par des voix anonymes, dans une longue litanie qui ne prendra fin qu’avec la nuit… » On l’ouvre en sachant bien qu’il s’agit d’une biographie savante qui s’appuie sur une documentation récente, par exemple sur l’œuvre de jeunesse, en partie inédite, sur une abondante correspondance, sur des photos tirées d’archives familiales. Et, pour qui l’ignorerait, on peut rappeler que Michel Aucouturier est en quelque sorte le passeur de Boris Pasternak en France (premier livre sur le poète en 1964, traductions et édition). Procédant chronologiquement, cette biographie retrace la formation et l’évolution du poète au long des rencontres, des épisodes, des événements. 1917 : « … l’événement, c’est la découverte de ce bonheur instantané et fulgurant “de posséder une forme” par lequel, plus tard, Pasternak définira la beauté. » Quarante ans après, le « scandale » du Docteur Jivago, roman « incompatible » avec l’idéologie soviétique. Michel Aucouturier montre toute la complexité de la position de Boris Pasternak : celle d’un réfractaire en butte à la censure, d’un « bourgeois » vilipendé dont l’œuvre était l’enjeu d’un débat feutré, mais aussi celle d’un « compagnon de route » fréquemment admiré. Biographie savante donc, et tellement plus que cela : c’est un grand livre, comme on dit, le livre, mûri au fil des années, sur le sujet, écrit par le spécialiste.