par Christophe Mescolini
Une intro prépare, à Berlin, la chambre noire où viendront s’inscrire, sur la plaque sensible, les images-souvenirs, autant de stations dans le récit d’un effondrement, la relation, anthume, d’une disparition.
Eurydice y est convoquée, autrement qu’un être pour la mort, autrement qu’en pure perte, figure cinéraire à quoi le mythe l’a réduite. Eurydice serait vivante, fille d’un père aimé, et perdu. Les poèmes suivants, Les grotesques de l’oubli, sortent de la bouche de cette Eurydice qui se met en chemin vers un espace infernal qui serait psychique, dementia senilis, une puissance de négation et d’oubli qui désagrège, jusqu’à détruire, l’identité d’un homme.
Eurydice revient, armée d’une certitude qui émerge seule, inensevelie : la « force de la langue », la dernière affirmation lazaréenne, en capitale, qu’elle rend possible, sur quoi le livre se ferme. Outro éponyme, qui fait pendant à l’intro et qui lui répond, persuasive : cette puissance de parole dont se prévaut, transitivement, la voix narrative, porte en effet le volume, en particulier les derniers poèmes, ceux de la présence posthume du père, où la justesse du phrasé est poétiquement la plus grande et la plus émouvante1.
Frontispice de Magali Ballet
Éditions Unes
112 p., 19,00 €
1. Dans la traduction de Janine et Karl Poulsen, qui nous avait déjà permis de découvrir l’alphabet d’Inger Christensen (Ypsilon, 2014).