Karelle Ménine : La pensée, la poésie et le politique

 
par Sébastien Goffinet

À lire ces entretiens menés par la journaliste Karelle Ménine avec Jack Ralite, jadis ministre communiste, puis maire et sénateur de banlieue rouge, mais surtout fondateur des États généraux de la Culture en 1987, il semble que cet homme politique ait fait sienne la phrase de Rimbaud : « La poésie ne rythmera plus l’action, elle sera en avant ». Ces paroles témoignent de ce que sa pensée et ses actes, si engagés, doivent à la fréquentation quotidienne de la poésie. Il fustige le dévoiement ornemental de la poésie dans les discours politiques : « tous ces discours qui ne valent rien parce qu’ils cherchent non à traduire, mais à fleurir (…) La poésie n’a rien à voir avec les fleurs. Plutôt avec les épines... » (p. 37) avant de citer Philippe Jaccottet assignant au poète une place précise dans la société : « celle du gêneur perpétuel […]. Oui, le poète n’est nécessaire que s’il demeure profondément inutile et inutilisable » (p. 59). Cette conception de Ralite de la poésie, et plus généralement des arts et des politiques « culturelles », lui permet de dénoncer l’Europe qui depuis 2013 « négocie avec les États-Unis un traité de libre-échange gravissime pour la culture » (p. 142), appelé TAFTA, TTIP ou GMT (grand marché transatlantique). Et d’appeler à continuer la lutte pour ne plus tolérer que « l’esprit des affaires l’emporte sur les affaires de l’esprit »1 (p. 142) : la poésie aussi y est indispensable.




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Dialogues avec Jack Ralite
Les Solitaires Intempestifs
224 p., 14,50 €
couverture

1. Sur ce point, voir aussi de Bernard Noël, ami de Jack Ralite, le titre : Le cerveau disponible, les Éditions libertaires, 2015, 5,00 €.