par Marie Rousset
Les mots sautent et dérapent, taquinent la pupille. Ils tapent sur les nerfs du sens commun. Ils nous éclaboussent tel un foutre lexical. Oh ! Que le bon sens se voyait bien rester au chaud et reconnu par tous comme installé à demeure ! Et voici qu’on le découvre, copieusement éperdu d’être le dindon d’une farce lucide.
Le titre de la première partie est un nom féminin. Ce mot nous parle de la science qui traite des anomalies et des malformations liées à une perturbation du développement embryonnaire ou fœtal. Nous y sommes. Mais ici c’est l’embryon de la langue qui est opéré. L’avant du vivant – le non encore langage – le fœtal – est mis à nu. Et c’est beau.
Pas de pagination. Cela aussi devient inutile. Une seule et même phrase répétée ? Déclinée ? Avide de rebondissements infinis ? Ou bien close sur elle-même ? Une phrase mercenaire ? Engagée dans les tournants abrupts de la décrépitude du moment ? Dans la guerre totale d’une direction à trouver ? Dans le meurtre de la facilité ?
Cf. page 12, pour moi. Quant à vous, il vous faudra faire comme moi, compter les pages pour retrouver cette citation dans le livre de Jessica Gallais :
« Ici s’entassent les carcasses communes en un très long murmure ».
Ж ЖЖ un éclat Ж ЖЖ brise les éclats Ж Ж Ж
Dans la deuxième partie nous plongeons dans la catalyse. Késako ? La catalyse mon cul ! Comme dirait Zazie. Calmez vous petite, il existe une définition qui peut vous convenir, écoutez : « Action par laquelle une substance modifie la vitesse d’une réaction chimique, sans apparaître dans le bilan réactionnel. La catalyse est homogène quand les substances réagissantes et le catalyseur forment une seule phase, hétérogène dans le cas contraire. »
Dans anima(s) version(s), les substances-mots et l’adjuvant-style forment presque une seule ph(r)ase, un tout compact et cohérent. Soutenu. Et pourtant, sa construction se disloque sous nos yeux à mesure qu’elle se raidit et se forme. Et se déforme. Et s’élève pour retomber en plusieurs décompositions qui se reconstituent aussitôt en d’innombrables et fraîches colorations, parfois quasiment animales. Leurs propos déversent en quantité des surgissements très élaborés. N’est-ce pas cela, inventer ?
Dans anima(s) version(s), on crie autrement. L’appellation se fait ajustement. Mise en place. On usine les impossibles. On sillonne on griffe le possible. Le poème rap/t/porte et tricote la plainte et le désir. Il n’est pas question de développer. Ce texte n’a pas le temps. Il a à peine celui de dire l’étendue de l’arrachement. J’absorbe ces combinaisons vagabondes pour mon plus grand plaisir.
La guerrière la femme enfin ! Pour parodier Jessica Gallais.