Frédéric Brun : Novalis et l’âme poétique du monde / Novalis : Poésie, réel absolu

 
par Isabelle Baladine Howald

La comète Novalis

Les toutes nouvelles éditions Poesis donnent le ton de leurs parutions avec Novalis et l’âme poétique du monde. Un autre volume, Poésie, réel absolu, paraît en même temps, comprenant une sélection de fragments du poète, traduits par l’excellent Laurent Margantin (qui retraduit par ailleurs sur son site « œuvre ouverte » le Journal de Kafka – on lui souhaite un éditeur audacieux pour la publication sur papier d’un si remarquable travail). En effet, le but de l’éditeur est avoué de suite : « Habiter poétiquement le monde », selon le souhait de Hölderlin. Novalis concentre en son œuvre et en son nom ce projet d’unifier le monde, par la science, la philosophie, la théologie et bien sûr, la poésie. Lui-même était un véritable encyclopédiste. Il a d’autre part été en quelque sorte le fondateur du roman moderne, bien que le sien, « Henri d’Ofterdingen », soit resté inachevé, Novalis étant mort à 29 ans.

Frédéric Brun, l’éditeur, auteur par ailleurs de romans chez Stock, signe Novalis et l’âme poétique du monde, un livre à la fois personnel (son empathie passe par des évocations de ses voyages, les rêveries ou réflexions qui en découlent) et une vraie étude sur Friedrich von Hardenberg dit Novalis. Ce nom magnifique signifie « terre à défricher », on ne saurait mieux définir la tentative du poète. Frédéric Brun retrace la vie de Novalis, enfant et jeune homme extrêmement doué, qui lit ses contemporains Fichte et Schiller dont il est l’élève et fonde la mythique revue Athenaeum avec Friedrich Schlegel. La particularité la plus étonnante de ce jeune poète est de vouloir créer une poétique de l’universel. Il faut se saisir de soi, et se confronter au réel, au vrai, à la vérité, rien de moins que ça, ainsi que les fragments publiés donnent à le comprendre. Photos, vignettes, tableaux rythment cette lecture prenante.

Parallèlement Novalis place plus haut que tout l’amour qu’il a pour une toute jeune fille, Sophie von Kühn, qui meurt prématurément. Sophie dont il disait «  elle ne veut rien être, elle est quelque chose », Sophie deviendra le cœur sublimé de son travail. Il travaille aux fameux Grains de pollen, fragments que nous lisons aujourd’hui. La poésie devient action, c’est elle qui doit lier le monde et l’intériorité, il suffit de lire ces si beaux fragments. Novalis, c’est la vitesse, c’est celui dont on aurait aimé, comme Frédéric Brun le dit de façon émouvante, connaître la voix. Cette excellente introduction à Novalis fait la chose la plus réussie : donner envie de lire ou relire Novalis. Sa jeunesse, sa rigueur, sa radicalité en ont fait une figure exemplaire. La trace qu’a laissée dans le ciel la comète Novalis n’en a pas fini de nous émerveiller. Reste ce portrait que nous connaissons de lui, visage fin, visage sensible, petite bouche, portrait célébrissime et finalement énigmatique. Reste cette trace dans notre ciel, qui nous éclaire longtemps après qu’elle a disparu.




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Novalis et l’âme poétique du monde
Poesis
216 p., 19,00 €
couverture
Poésie, réel absolu
Traduit par Laurent Margantin
Poesis
80 p., 14,00 €
couverture