par Alain Helissen
À la fois objet enregistreur d’images et personnage féminin « Caméra » occupe le devant de ce livre d’Édith Azam où s’étale, une fois encore, l’écriture pour le moins singulière de celle qui figure depuis une dizaine d’années parmi les poètes actuels les plus novateurs. C’est par la prose qu’on entre dans l’univers d’Édith Azam mais il serait vain d’y chercher quelque récit ou histoire romancée. S’il est question d’un champ de bataille, sans doute faut-il y voir celui de la langue et des confrontations verbales qui s’y déchaînent. « Tenter que la langue soit autre chose qu’une arme », voudrait Caméra, essayant de se défaire du vide en nommant mais le nom n’est autre que le vide, ce « vertige de l’écriture » qui saisit Édith Azam apparaissant ici comme le double de Caméra, lassé aussi du voyeurisme médiatique : « que ça cesse, que ça finisse, le gavage infect, répugnant : la violence des images. » « Vous comprenez mieux à présent, vous comprenez n’est-ce pas ? » L’interrogation vient clore l’ouvrage, laissant les réponses en suspension pour privilégier un sentiment de malaise indicible, comme si, au bout d’une débauche de mots désireux de sauver la parole, le silence venait de gagner la partie.