par Thibaud Coste
« Eh bien oui, j’ai aimé la vie / aussi ai-je si souvent chanté la mort. » La conscience d’une mort imminente et celle d’un sursis empreint la poésie de Vladimír Holan. Non pas seulement une mort individuelle, mais celle d’un monde à l’article de la mort où attendent hommes et femmes, vierges, saints et assassins le moment de leur fin. « Mais toujours et partout la ruine se cache / derrière le pressentiment de la destruction… ». À l’hermétisme apocalyptique de À l’article se mêlent les désastres de l’histoire, et plus encore sa force d’écrasement sur les hommes – devenus bêtes. Reste donc la ruine et un Dieu à jamais absent.
Dans cette brève respiration possible qu’offre le sursis, la poésie tente de fonder ce qui reste. « Il nous faudra trouver par exemple une chose / – la plus ordinaire, la plus négligeable soit-elle – / et fût-ce pour l’amoindrir encore… » Si la poésie témoigne pour le monde de sa fin, elle n’annonce pas pour autant un Royaume à venir mais une Révélation, un « émerveillement », une attention – certes absurde et désespérée – à ce qui toujours se joue ici. Le poète écrit encore : « – Pourquoi écrivez-vous des poèmes ? / – C’est une question d’Être… De l’Être muet… ».