Ulrike Draesner : Reste d’hirondelle

 
par Mathilde Azzopardi

Le Castor Astral publie Reste d’hirondelle, le premier livre de poèmes traduits en français, et présenté en bilingue, d’Ulrike Draesner, née à Munich en 1962, également romancière, essayiste et traductrice. Composé par Jean Portante, en charge de la traduction et de la présentation, à partir de différents recueils parus en Allemagne entre 1995 et 2014, cet ensemble n’en possède pas moins une unité quasi organique, marque de l’extrême singularité de cet univers.
La langue est ici l’exact produit de ce qui constitue l’être – pour l’essentiel : un corps, une origine, une sensibilité, une expérience. À l’allemand se mêlent ainsi le dialecte bavarois, le babil de l’enfance (celui de l’enfance retrouvé, celui de l’enfant présent), des mots étrangers (anglais, polonais, finnois), des néologismes, tandis que s’immiscent les termes de la science, à quoi s’ajoutent onomatopées et « mots distordus » (mots en morceaux, lettres manquantes, forme de bégaiement).
« (le pouls s’emballe et gémit) » – car, dans ces poèmes d’où surgit le fragmenté, l’éclaté, le chaos parfois, toujours plane une angoisse, amplement restituée dans et par ce foisonnement linguistique, la rupture rythmique et l’allitération.
Les moments de l’intime (« structure de verre, les cuisses », très belle évocation d’une scène de toilette), l’expérience d’un lieu (« mes chères alpes », ou lorsque s’énonce le milieu hospitalier), celle d’un objet (« lentilles de contact »), ce qui relève du ressassement (le poème « intime laine poitrine »), de l’histoire collective (dans « wulkan » – volcan, en polonais : « encore chaudes leurs lèvres / allemandes sur les verres encore / dans l’évier. nous avions / honte non de prendre / mais de voir. »), impliquent nécessairement une présence charnelle, sa conscience aigüe.
Une aspiration à faire table rase – « si tu me pousses dans la forêt plus / dense / tout sera rongé façon castor » –, et recommencer – « ne serait-il pas plus facile alors / de b-b-b-bâtir (dis-moi) / une nouvelle terre ? »




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Traduit de l’allemand par Jean Portante
Édition bilingue
Le Castor Astral
« Les Passeurs d’Inuits »
128 p., 12,00 €
couverture