Olivier Cadiot : Providence

 
par Jean-Jacques Bretou

Providence est un O.L.N.I., un objet littéraire non identifiable. Olivier Cadiot nous a concocté quelque chose en « quadriphonie ». Quatre voix qui s’élèvent en quatre chapitres différents et s’adressent souvent à lui sur le ton du reproche. Ce sont les voix de Robinson, personnage récurrent de son œuvre, celle d’un jeune homme âgé, celle d’une jeune fille, Lucienne de Rubempré qui monte à la ville et, enfin, celle d’un homme âgé qui ne comprend plus rien. Cadiot n’a pas voulu mettre sur la couverture le mot roman. D’ailleurs, il fait dire à l’un de ses personnages : « Il paraît que quand on raconte n’importe quoi pour noyer le poisson ça s’appelle roman familial…Un rôman ? Pour quoi faire ? » Plus loin, il écrit : « On s’enthousiasme quelquefois, et on voit les livres comme des robes – ou des guerres ; on fait des bâtis, de grands mouvements à la craie bleue sur un grand morceau de tissu noir… Et puis, en relisant, on redescend sur terre ». Cadiot, notre Cadiot, celui qu’on aime, celui qui fait sortir des lapins et des lièvres de partout est toujours là mais plus discret, plus réfléchi. Il fait souvent allusion aux années 1980, à la fin desquelles il commença son œuvre en publiant L’art poétic’. Et puis, il nous parle du mot lac dont la signification en sanskrit serait dépression, et son Robinson dit être une anamorphose de crâne comme on en voit chez Hans Holbein, une vanité. On se dit que peut-être il est dans une période de réflexion, l’âge de la maturité. Par ailleurs, il y a le titre : Providence. Comme c’est écrit dans le dictionnaire, la providence est divine, le libre arbitre est humain. L’écrivain agit en démiurge. Il est théoriquement la « providence » de ses personnages et quand ces derniers prennent le pouvoir, il ne contrôle plus rien. Et puis, Providence est un film de Resnais sur la création littéraire où fantasme et réalité se mélangent. Enfin, autre occurrence, Providence est la ville de Lovecraft, auteur fantastique, sur la tombe duquel est écrit Providence. Ce livre est peut être tout cela et plus, une forme d’autobiographie, quelque chose de plus fragile. En tout cas, on a envie, comme dans les autres, de le lire et le relire, d’entendre son copain William B. dire « on n’a qu’à se faire un putain de poème ! » et de courir, quand il en passe, après les lapins ou les lièvres.




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P.O.L
250 p., 16,00 €
couverture