par Daniel Lequette
Les admirateurs de L’accident seront peut-être surpris de découvrir ici un versant lyrique assez atemporel, où seul quelques mots actuels viennent troubler un lexique de l’élémentaire et de l’originaire. Certes les figures de la modernité sont bien présentes dans la confrontation organique d’un sujet éparpillé avec l’altérité absolue du monde ; mais ce qui s’impose au lecteur, c’est un merveilleux panthéiste porté par des images énigmatiques et évidentes « Je pose un pot de miel, c’est la nuit sur la table ». Le recueil est composé de quatre mouvements où l’on pourrait voir un parcours initiatique partant de la naissance où, gorgée du monde, on doit affronter la nuit qui se tait pour parvenir à la chair du verbe. Les textes au rythme assuré, scandés comme des litanies et bruissant, de mot en mot, d’ondes sonores élémentaires, disent le fourmillement des choses, leur présence rétive, voire hostile, mais aussi leurs forêts d’histoires, que « des chats se couchent » pour écouter ; ils disent aussi l’appartenance immémoriale à ce monde, l’indissociabilité du déchirement et de la plénitude dans la naissance à soi et l’attente de l’autre : « J’attends que tu respires / que tu t’installes dans le lit que j’ai fabriqué / il y a mille ans / quand j’étais un cafard ».