Laure :Histoire d’une petite fille suivi de Vie de Laure par Georges Bataille

 
par Jérôme Duwa

Ne pas accepter. Ne plus accepter. Dans quel but ? Pour tenter de rejoindre ce que Colette Peignot (1903-1938), alias Laure, nomme la « réalité ». On néglige souvent, par la force des conventions sociales, combien elle est tenue à distance. Rares sont les êtres qui s’avisent de cette absence. Que d’efforts pour se protéger de cette réalité à laquelle Laure, tout au contraire, s’est exposée corps et âme !
Les Éditions du Chemin de fer et deux jeunes graphistes bien inspirés (Thomas Bouville et Sarah Kremer) nous redonnent à lire cet extraordinaire récit d’enfance, témoignage d’un passage ; d’une vie mort-née, au fond « inhumaine », à ce jour où son cri se formule avec une netteté souveraine : « je souffrirai mais je vivrai ».
La souffrance résulte de ce lent et profond travail nécessaire pour se défaire totalement d’une éducation catholique prédisposant à une vie toute réglée d’avance. L’existence de Laure aurait dû se tenir dans cet espace presque irrespirable entre la croix, le drapeau, et les devoirs inoculés dès l’enfance à une future jeune femme de bonne société.
La mère de Laure était prise quotidiennement d’un seul désir irrépressible : « ranger » son intérieur, s’adonner au ménage alors même que plusieurs domestiques y pourvoyaient. Par sa vie si dérangée et dérangeante, Laure s’oppose frontalement à l’obsession de sa mère. Une à une, elle va recracher les hosties pourries de la soumission pour devenir finalement l’un de ces êtres qui – selon le mot de Georges Bataille –, justifient la vie même.
Si ce texte de Laure dérange encore aujourd’hui, c’est aussi parce qu’on ne saurait lire si souvent une oeuvre « littéraire » à ce point soustraite à tout mensonge.
À ceux qui l’auraient oublié ou à ceux qui ne l’ont jamais su, ce livre rappelle qu’une œuvre d’écriture vraie n’a de sens que si son auteur « sensiblement » y a été « contraint » (G. Bataille). Avec cette Histoire d’une petite fille, on n’en doute jamais.




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Éditions du Chemin de fer
« Cheval Vapeur »
64 p., 9,00 €
couverture