Jacques Moulin : À la fenêtre du transsibérien

 
par Alexis Pelletier

Jacques Moulin est à la fenêtre du transsibérien. Évidemment, avec un tel titre, on s’attend à être en compagnie de Blaise Cendrars, dans un périple qui mélange fiction et vie du poète. La Prose du transsibérien apparaît certes par deux fois dans l’ouvrage (p. 7 et 21) mais au sein d’une série de références dont l’auteur donne la clé (p. 77) et qui vont de Lao Tseu à Simon Leys, en passant par Montaigne, Larbaud, Kafka, Maïakovski, Essenine, Tsvetaïeva et bien d’autres encore. La fenêtre du transsibérien est donc d’abord celle des références partagées ou à partager avec le lecteur qui voudra faire le voyage. Et à la différence d’un Cendrars incapable, comme il l’écrit, d’aller jusqu’au bout et qui s’arrête à Kharbine, Jacques Moulin va jusqu’à Pékin (Beijing qui « se hausse à grands renforts de grues tentaculaires » (p. 73) pour achever l’ouvrage, dans une maternité pour la naissance de B. qui « a relancé la prose du train. ». En d’autres termes, rien de fictif dans l’ouvrage mais des notations de voyages, reprises pour sentir et faire sentir les pulsations de ce rapport au train, en ce que celui-ci conduit à une part agrandie du monde.
On passe à travers les villes ou la nature, avec une prose qui sait offrir des phrases plus ou moins longues, plus ou moins ponctuées, selon les variations du rythme.
Dans ce voyage d’écriture réelle, il semble qu’il y ait plusieurs moments de bascule avec une attention marquée aux changements de rythme dans la phrase. Au départ, la Sibérie est une sorte d’horizon d’attente. Elle est la « base, grand pays infini » (p. 7). Mais c’est la ville qui domine, Moscou qu’on « laisse entrer en nous par le pied et par l’œil » (p. 9). Puis la Sibérie devient effective. L’écrit comme le train, comme les lectrices et lecteurs sont : « Transitifs. Transportés, Transpirants. Transbordés. » (p. 19). Survient le lac Baïkal qui fait basculer l’écrit dans l’orient. « Oural est aux lointains d’Europe, Baïkal est oriental, lisière tremblante. » (p. 29). Et le texte d’enchaîner notations sur la nature, sur les lieux d’habitation jusqu’à entrer en Chine, où « Ce qui prime, c’est l’ensemble, la cohérence. » (p. 65). Ainsi l’écrit et le monde semblent deux entités inséparables : la prose agrémentée de passages versifiés écrit la diversité du poème




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Avec quatre planches de Maurice Janin
L’Atelier du Grand Tétras
80 p., 14,00 €