Louise Dupré : Plus haut que les flammes

 
par Alexandre Ponsart

Lors de son voyage en Pologne, Louise Dupré, auteur québécoise, visite les anciens camps d’extermination d’Auschwitz et de Birkeneau. De cette expérience, elle en rapporte un long et poignant texte. Plus haut que les flammes a été publié, pour la première fois, en 2010, aux éditions du Noroît et a obtenu le Grand Prix Québecor du Festival International de la Poésie ainsi que le prix du Gouverneur général.

Pluies d’obus lancés, sur les villes, comme des œufs, pluies de pierres, dont on lapide les épouses. (…) Où le feu et le sang, ont exterminé, le peuple des anges.

Cet émouvant poème, composé de quatre parties, vient rendre hommage aux enfants morts, déportés, décrivant l’indicible et l’horreur. Voilà la tâche poétique à laquelle Louise Dupré s’est attelée en mettant en avant la nécessité de continuer à vivre et surtout d’exister tout en ayant conscience que l’homme est à l’origine de ces immondices.

Comme un appel, surgissant de la terre, ancestrale, lorsqu’elle se décide à recracher ses entrailles, la douleur est un volcan, mal éteint, qui te secoue, jusqu’à la colère (…) car la colère est l’énergie, désespérée de l’amour, tapie dans la douleur.

De ce mal être, elle s’en extrait, par la danse, afin de plonger de plus belle dans la vie.
Mais danser n’est possible qu’avec l’appui des générations nouvelles. Elle interpelle donc les enfants d’aujourd’hui et de demain afin qu’ils dansent plus haut que les flammes.

Apprendre, à danser, sur la corde calcinée, des mots (…) lancée comme une flèche (…) te voici prête, à danser, par delà ta peur, aveugle et sourde, aux craquements de tous les ciels.

C’est un cri de l’espoir. Tout comme Francis Bacon a peint « le cri plutôt que l’horreur », l’auteur hurle à l’espoir. Le spectre du peintre mais surtout de ses toiles hante le poème car tout comme Francis Bacon, tu es née d’une histoire, de supplices et de résurrection. Et tu pars, seule, chercher l’erreur dans les apocalypses de Francis Bacon. Comme un personnage, de Francis Bacon, rouge sanglot, rouge, crucifié (…) hurlant, comme dans les toiles, de Francis Bacon.
Tout aussi poignante émotionnellement qu’une œuvre du peintre anglais, Louise Dupré nous fait voir, par la magie des mots, une toile où ni les enfants, réunis en gerbes, pour un dernier repas, peu importe la chair, quand le ventre fait briller, le couteau.

Comme il est important et nécessaire de ne pas oublier ce moment tragique de l’histoire car l’histoire est laide, et tu le sais, l’histoire est rapace, elle n’a aucun souci d’épargner les récoltes. C’est aux écrivains, aux danseurs et aux poètes qu’incombe la tâche d’inscrire ce souvenir dans les mémoires, de ne pas l’oublier afin de lutter contre les diverses tentatives xénophobes et fanatiques.

La mémoire des morts, cherche une demeure, elle te demande à boire, et à danser, et tu la fais valser, avec l’enfant (…) comme un mystère, qui t’implore, en riant, de continuer, à danser.

Louise Dupré signe, ici, un texte d’une touchante beauté, sur la mémoire et plus simplement sur l’espoir de la vie.




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Bruno Doucey
112 p., 14,50 €
couverture