par Nicolas Tardy
Chez plusieurs des interviewés de cet ouvrage riche en informations, le corps est travaillé par le langage. Que ce soit via l’utilisation directe de la parole, ou non – le langage devenant alors générateur de l’action, plus qu’action lui-même. Ceux-là ont tous activement participé à la revue et aux manifestations de la revue DOC(K)S : Julien Blaine (son fondateur) ; Charles Dreyfus ; Joël Hubaut ; Arnaud Labelle-Rojoux.
Si, pour tous, le corps est un médium (impur) – même mis en retrait comme chez le duo Marie Cool Fabio Balducci –, il est parfois aussi le sujet du travail, comme chez Jean-Luc Verna (avant tout dessinateur) et ORLAN (la seule qui par ses références religieuses et ses interventions chirurgicales s’inscrit dans la ligne de l’Art Corporel, dont les disparus Gina Pane et Michel Journiac, restent les grands représentants).
Si les rapports au lieu, à la durée, aux autres (corps) sont des données inhérentes à toutes performances (mais aussi à la « simple » lecture publique !), chez Esther Ferrer, le groupe UNTEL, Tsuneko Taniuchi, la question du corps social semble plus prégnante. Cette dernière transgresse une règle implicite de la performance, puisque, jouant des rôles, elle flirte avec la représentation théâtrale. Une autre transgression qui arrive depuis quelques années dans le paysage de la performance – et que l’on remarque en lisant les propos des plus jeunes dans cet ouvrage – est la mise à mal de l’idée qu’un performeur utilise forcément son corps pour faire son art. En effet, Verna est acteur et danseur, pour d’autres, prenant en compte son « non professionnalisme » dans ces domaines ; tandis qu’Olivier Dollinger et Éric Madeleine, ont eu recours à d’autres corps comme substituts aux leurs. Chez Dollinger cela entraîne un questionnement sur l’authenticité, la fiction. Chez Madeleine, cela lui permet notamment de multiplier les actions en simultanée, en s’éloignant d’un rapport scénique pour retrouver celui de l’exposition.