par Antoine Emaz
Le livre est composé de deux ensembles égaux en masse mais assez différents dans leur organisation.
Dans Voa, voa, les poèmes en vers libres courts gravitent autour d’une absence en train de se diluer dans le temps : « le ciel passera / et les choses aussi ». Écrire vise alors à « fendre le blanc », traverser corps et paysage pour rejoindre et « ouvrir le point d’effacement », contrer l’oubli.
Dans Haut fail, le second ensemble, de brèves proses en italiques surfilent les pages et créent une sorte de continuité narrative, quasi filmique, sur les gestes d’une femme qui attend dans une chambre. À chaque page, une séquence en vers libres, parallèle à la prose, développe des bribes, des éclats de ce que ressent le personnage, pris dans une violence muette dont le lecteur ne saisit pas clairement les causes mais seulement les effets. On retrouve ici une tension particulière à la poésie d’Erwann Rougé : l’intensité émotionnelle couplée à une sourdine d’écriture. Cela donne une musique feutrée, retenue autant qu’assurée, mesurée, laissant toute sa place au silence. Une poésie à vif, mais tout autant à distance d’écriture du drame et du cri.