Jean-Jacques Viton : Zama

 
par Catherine Weinzaepflen

Je voulais m’en aller mais je n’ai pas bougé (2008), Selected sueurs (2010), Zama (2013) sont les titres des derniers livres de Jean-Jacques Viton. C’est en pensant à lui que j’ai un jour fait ce constat : la somme des titres d’un auteur révèle quelque chose de son identité. Pour ce qui est de Zama, qui veut dire quelque chose comme Tu parles!, l’humour d’emblée. Jean-Jacques Viton (que j’ai la chance de connaître) est doté d’un formidable sens de l’humour qui va de pair, on s’en serait douté, avec sa lucidité politique. Dans Zama cette pensée politique touche parfois au tragique : mêlant la matière des rêves, des photos, des guerres contemporaines, le livre de Viton dresse un constat de l’état du monde.
C’est par le travail de la langue que l’auteur met en scène son regard et sa pensée : le livre est construit de dizains avec enjambement de l’un à l’autre, d’une page à l’autre. Le rythme tour à tour haché, fluide, suspendu, nous saisit physiquement. « Zama est un poème disloqué vif » est-il dit au sein du dizain de la page 102.
Le poème comporte cependant des bribes de récit. Exemple : « de là où il se trouve ce n’est pas (dernier vers du dizain de la page 106) / une grive migrante que voit Zama (premier vers de la page 107) / c’est une femme avec un enfant dans les bras / elle passe entre des containers et un mur / il ne la voit pas pendant neuf secondes / environ le temps qu’elle mettra à se soulager / un homme arrive aux bacs à ordures... » scène zoomée dans le déroulement du poème.
Zama, expression linguistique, est aussi parfois personnage du livre composé en trois parties : I. Zama ne va pas souvent à la campagne, II. Zama dit que son existence lui échappe, III. Zama revient.

« ...il bouge dans le quelque part / c’était la ville où il marchait pour aller n’importe où / quelque part où le léger demain attend » sont les derniers vers de ce livre dans lequel Jean-Jacques Viton est au meilleur de sa forme, révolte et tendresse conjuguées.

— Article publié dans CCP n°26, 2013.




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P.O.L
144 p., 12,00 €