Nathalie Quintane : Descente de médiums

 
par Vincent Barras

De quoi Nathalie Quintane parle-t-elle dans Descente de médiums ? Et pourquoi « descente » ? Descente comme il en va pour les lits, les médiums, au moment du réveil (des consciences ?), piétinés sans égards ; ou comme avec la police, les médiums débarquant à l’improviste au sein de nos existences, s’obstinant à « commencer la réforme du monde visible », en nous mettant en relation avec le monde des morts ; ou comme de la croix, les médiums représentés, remémorés après leur destitution historique (par l’émergence de la psychanalyse, le déclin de l’occultisme, la mort de l’auteur). On n’arrive pas à trancher avec décision entre ces différents termes de l’alternative. Non pas que le livre soit muet en matière d’anecdotes commentées (tel est le mode narratif privilégié). Quintane multiplie même les pistes : textes et voix fantômes (Duras, Barthes, Foucault), photographes de pensées et visionnaires (Chizuko Mifune, Ted Serios), ethnographes et poètes, spirites ou non (Yeats, Hugo, Kardec, Les Beats, Jaulin), philosophes qui traversent le paysage tels des figurants (Jean-Pierre Cometti, William James). Or, à considérer cette liste de « personnages », on se voit offrir quelques clés (par exemple, peut-être, celle du pragmatisme : les médiums intéressent, non pas parce qu’ils existent ou n’existent pas, mais par l’usage qui en est fait). Quintane, ou l’auteur (celle dont la mort a été proclamée), ou la narratrice, avoue in fine préférer, si le choix lui était donné, l’extralucidité « quant aux circonstances » à sa maîtrise des techniques d’écriture, dont pourtant fourmille Descente des médiums – peut-être parce que ces derniers ne prétendent être rien d’autre que de pures membranes, transmetteuses de multiples voix défuntes –, avec l’alternance (la narratrice elle-même le souligne) entre vers, prose, anglais, français, polonais… Soumis à ces flux et reflux, on lit, on tend l’oreille, et les médiums (ou, si on ne veut pas y croire, si on a d’autres usages, le livre, avec tous ses mots) parlent. C’est à cet usage, me semble-t-il, que se voue Quintane.




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P.O.L
192 p., 14,50 €
couverture