par Michel Ménaché
Dans l’esprit et l’admiration d’André du Bouchet, Jean-Gabriel Cosculluela rend hommage au poète disparu dont une dédicace à Francis Helgorsky1 figure en exergue : « au photographe qui fait voir que dans les images de la dénudation l’image peut elle-même quelquefois disparaître ». Écrire pour « déterrer le silence du regard », telle est l’ascèse dont l’auteur infuse, plutôt qu’il ne les décrypte, les paysages nés de la marche dans les territoires de solitude du photographe : « il y a ici du secret à l’œil nu ». Ces photos en noir et blanc, le poète les désigne du mot de Denis Roche photolalies : « il y a ces photolalies, ces échos muets qui / surgissent des bords perdus et dans les écarts ». Le postulat du poète renverse l’usage commun de la parole : « le silence seul nomme les paysages nomades, / le silence seul empierre le pas ». Jouant sur les correspondances, il recourt au langage de la gravure pour guider le voyage de l’œil : « Et la terre, rien, sans la manière / noire du chemin dans la montagne, le torrent nu, / le rivage, et le blanc, invisibles du silence. » Revivre l’expérience pascalienne de toucher le vide pour mieux éprouver la plénitude du réel le plus dépouillé : « Pieds nus dans l’air nu : l’andain du photographe / vient rompre le vide et le visible. »
Accord à quatre mains. Lente alchimie du cheminement intérieur. Le photographe « attend sur le seuil. En pure perte. / Il lui reste / à émietter le noir et le blanc. »
Il peut alors accueillir l’abîme ouvert en soi…
1. Le photographe a réalisé avec André du Bouchet le livre d’artiste Andains, éditions A die, 1996, épuisé – réédition prochaine chez Créaphis.